——Interview exclusif avec Zheng Chengzhi, représentant provincial du Hubei pour le projet patrimonial culturel immatériel national « La Légende de Qu Yuan »
Journaliste : Qiu Xiaoli

Chaque année, lors de la Fête des Bateaux-Dragons, l’ancienne cérémonie du « Sacrifice au Fleuve » se tient à Quyuan Guli, dans le comté de Zigui, Hubei. « Mon frère revient — » un appel poignant, traversant des millénaires, résonne le long des rives du fleuve.
Pourquoi ce « Sacrifice au Fleuve » a-t-il perduré jusqu’à aujourd’hui et capté l’attention nationale et internationale ? Comment cette tradition ancestrale innove-t-elle pour résonner avec la société moderne ? Zheng Chengzhi, représentant provincial du Hubei pour le projet patrimonial « La Légende de Qu Yuan » et chercheur invité à l’Université de Wuhan, a répondu à ces questions dans une interview pour « Question Est-Ouest ».
Extraits de l’interview :
Journaliste : Qu’est-ce que le « Sacrifice au Fleuve » ? Comment cette tradition unique est-elle née ?
Zheng Chengzhi : Le « Sacrifice au Fleuve » désigne le culte des divinités aquatiques, une coutume antérieure à l’époque de Qu Yuan. Des figures comme Hebo, Xiangjun et Xiangfuren dans « Neuf Chants » sont considérées comme des divinités fluviales. À Zigui, cette tradition est ancienne et documentée dans les écrits de Qu Yuan.
Ses œuvres, notamment « Neuf Chants » et « L’Appel de l’Âme », décrivent systématiquement les rituels sacrificiels. Qu Yuan s’est inspiré de la musique et des danses folkloriques pour créer « Neuf Chants », dépeignant le culte des dieux solaires, montagnards ou aquatiques. « L’Appel de l’Âme » détaille le rituel d’invocation, incluant l’autel, les offrandes et les incantations.
En 278 av. J.-C., le 5e jour du 5e mois lunaire, Qu Yuan, accablé de chagrin, se noya dans la rivière Miluo. Les habitants de Chu le vénérèrent comme une divinité fluviale, transformant son culte en commémoration. Les courses de bateaux-dragons émergèrent de ces rituels.

Journaliste : Comment cette tradition a-t-elle évolué ? Qu’a-t-elle de singulier ?
Zheng Chengzhi : En tant que terre natale de Qu Yuan, Zigui perpétue depuis longtemps des rituels en son honneur.
Le « Shuyi Ji » de Wang Jia (Jin) mentionne : « (Qu Yuan) fut vénéré comme un Immortel des Eaux. Sous les Tang, il fut titré Marquis Zhaoling ; sous les Song, Duc Qinglie ; sous les Yuan, Duc de Loyauté et Pureté ; sous les Ming, Divinité Qu Ping de Chu. »
En 2002, mon père, Zheng Bangqing, structura la cérémonie moderne, désormais bien établie. Le rituel inclut des offrandes au temple, la cérémonie fluviale et les courses. Le « Sacrifice au Fleuve » en est l’apogée.
Le 5 mai lunaire, les habitants de Xigui honorent Qu Yuan au bord du Yangtsé. Un aîné peint les yeux du dragon, brise un bol de vin, et les bateaux s’élancent au son des pétards et du « Zhaohun Qu » (« L’Appel de l’Âme »), invoquant le retour de l’esprit de Qu Yuan.

En 2023, cérémonie du « Sacrifice au Fleuve » à Xigui. Photo : Zhang Chun.
Journaliste : Pourquoi cette coutume est-elle reconnue à Taiwan et ailleurs ?
Zheng Chengzhi : Depuis 20 ans, j’ai présidé des cérémonies à Beijing, Chongqing, Taiwan et Yueyang. En 2013, une délégation de Changhua (Taiwan) a importé nos rituels. En 2017, j’y ai participé à leur fête culturelle : la ferveur populaire montrait notre héritage commun.
Malgré des différences régionales, le respect des racines culturelles unit les peuples. Zigui, berceau de Qu Yuan, incarne cette continuité. Le « Sacrifice au Fleuve » transcende les formes par une résonance spirituelle profonde.

Journaliste : Pourquoi cette tradition attire-t-elle autant ? Comment innover ?
Zheng Chengzhi : Le cadre des Trois Gorges et du réservoir renforce son charme unique, mêlant ancien et moderne. Son attrait international repose sur des valeurs universelles : loyauté, intégrité et excellence.
Des entrepreneurs comme Chen Baijing (Malaisie) et Lee Qing (Autriche) ont promu des échanges culturels via cette tradition. Nous devons moderniser sa transmission, utiliser les technologies et le tourisme pour en faire un vecteur d’échanges, tout en préservant son essence.
Profil de l’interviewé :

Zheng Chengzhi. Photo fournie.
Représentant du patrimoine immatériel « La Légende de Qu Yuan », chercheur à l’Université de Wuhan, auteur d’ouvrages comme « Les Légendes du Retour du Vent » et « Le Retour de l’Âme : 62 Questions sur Qu Yuan ».